Overground to the Vortex

En cette soirée de décembre 2011, c’est à de bien réjouissants jeux du Commonwealth rapportés à la musique improvisée qu’on été conviés les habitués du Vortex, fameux club londonien qui accueille régulièrement ce genre de disciplines. A quelques mois de là, c’est le label polonais Not Two qui les retransmet et nous permet de les découvrir. En jeu, deux équipes : la première est canadienne et revient depuis peu d’un tournoi en Russie : le sax alto pénétrant de François Carrier et la batterie chaleureuse de Michel Lambert forment un ensemble soudé et tout terrain. La seconde est anglaise et peut justifier de la même complicité ; John Edwards à la contrebasse et Steve Beresford au piano ont partagé plus que leur collaboration ancienne avec Evan Parker.

Overground to The Vortex se déroule en deux manches : la première est celle du déséquilibre. Le contrebassiste est seul pivot face à la paire canadienne. La place est à l’urgence et aux débordements permanents. Carrier entame « Bow Road » sur une mélodie calme, presque indolente, mais à mesure que la batterie et la contrebasse s’invectivent, son jeu se durcit et se rompt jusqu’à entrer lui-même dans la mêlée et réclamer sa part de joute. Le jeu d’Edwards est sec et belliqueux. Elle répond coup pour coup aux gifles des cymbales de Lambert pendant que Carrier tente de remettre de l’ordre dans ce pugilat. L’archet siffle la trêve, mais le bouillonnement sous-jacent est perceptible, prêt à bondir, d’autant que dans la seconde manche, son compatriote pianiste le rejoint pour faire nombre. Et sans doute un peu plus.

L’arrivée de Beresford dans les deux derniers morceaux est source d’apaisement. Le batteur et le bassiste prolongent leurs invectives mais le jeu s’équilibre. Évidemment, il y a dans le long « Archway » des moments d’embrasement soudain où les clusters du pianiste répondent au souffle devenu acide de Carrier. Mais de nouvelles alliances se forment ; la partie commençait à deux duos, voici qu’au gré de « Barking Side » un quartet apparaît. Avec lui, un implacable souci du collectif et des ententes nouvelles, comme la paire rythmique qui se trouve soudain d’étranges similitudes. « Les équipes n’ont pas réussi à se départager » titrerait la presse sportive. Mieux que ça : elles ont décidé de s’allier pour ne faire qu’une. Elle est d’une efficacité redoutable.

par Franpi Barriaux // Publié le 10 novembre 2014